vendredi 14 juin 2013

 
 
 
Ander (2009)
 
 
Roberto Caston
 
Thèmes abordés: homosexualité, immigration, prostitution, homophobie, vie rurale.
 
Résumé:

Ander, paysan du Pays Basque, célibataire, la quarantaine, vit avec sa mère et sa sœur Arantxa dans un hameau isolé du Pays Basque, la Biscaye. Sa vie est partagée entre les travaux de la ferme familiale et quelques heures à l'usine. Dans ce petit pays sauvage, rustique, la routine d'Ander n'est troublée que par quelques heures dans les bras de Reme, la prostituée locale. En effet, malgré l'insistance de sa mère, Ander refuse de s'engager et de se marier.
Jusqu'au jour où, à la suite d'une fracture de la jambe, il est obligé d'embaucher José, un ouvrier agricole péruvien. José débarque avec son sourire lumineux, sa douceur et sa timidité. L'immigré va bouleverser le monde si cloisonné du paysan et lui faire ressentir des choses qu'il ne soupçonnait même pas.



Analyse:
Dans son premier long-métrage superbe de sensibilité, de retenue et de grâce, Roberto Caston aborde de manière magistrale la thématique LGTB dans un environnement innatendu, celui du Pays Basque. L'histoire d'amour qu'il nous raconte est empreinte de délicatesse. Les regards sont fuyants, les gestes du quotidien évoluent imperceptiblement, les silences sont plus parlants que de longs dialogues : un suspense s’installe, entretenu avec tendresse et empathie. Puis vers le milieu du film, c'est l'explosion du désir qui nous surprend dans une scène d'amour physique brève et enfiévrée.



Tout est juste et profondément humain, de la durée des plans au jeu sobre, pudique et intense des acteurs qui font de cet opus charnel, un bouleversement amoureux de deux hommes en quête de délivrance.
 

 


dimanche 26 mai 2013

 
Le Nom des Gens (2010)
 
 
Michel Leclerc
 
 
Thèmes abordés: Identité, famille,  mémoire (Vichy/Algérie),  immigration, sans-papiers,  couple mixte, pédophilie, engagement, nationalité.
 
Résumé:
Bahia Benmahmoud, jeune femme extravertie, se fait une haute idée de l'engagement politique puisqu'elle n'hésite pas à coucher avec ses ennemis pour les convertir à sa cause - ce qui peut faire beaucoup de monde vu qu'en gros, tous les gens de droite sont ses ennemis. En règle générale, elle obtient de bons résultats. Jusqu'au jour où elle rencontre Arthur Martin - comme celui des cuisines - quadragénaire discret, adepte du risque zéro. Elle se dit qu'avec un nom pareil, il est forcément un peu facho. Mais les noms sont fourbes et les apparences trompeuses... 
 
Critique: Film extrêmement riche et revigorant, le Nom des gens alterne avec bonheur comédie et drame, passé et présent. Les deux personnages principaux sont extrêmement attachants car très approfondis et remarquablement interprétés. Très approfondis car ce sont des personnages palimpsestes. Face caméra, ils nous racontent leur histoire familiale d'où ils sont issus puis leur enfance et leur adolescence, incarnée par de jeunes comédiens. Leurs "moi" enfant ou adolescent n'hésite pas d'ailleurs à intervenir tout au long du film. Remarquablement interprétés ensuite: Sara Forestier fait de Bahia un tourbillon d'énergie qui emporte tout sur son passage et auquel rien ne peut résister alors que Jacques Gamblin dans un rôle plus sage laisse transpirer lui aussi de nombreuses émotions.
 
 
 
 
 Le rapprochement de ces deux personnalités qu'à priori tout oppose est extrêmement pertinent car il révèle à quel point ils sont proches et peuvent se guérir mutuellement. Héritiers d'un passé douloureux et encombrant, dotés d'une double identité problématique, ils n'ont tout simplement pas la même stratégie de "survie". Bahia affiche au yeux de tous le traumatisme sexuel qu'elle a subi dans son enfance par son absence de pudeur, son comportement de "pute politique", le viol consenti de son intimité. C'est Arthur Martin qui symboliquement la rhabille et lui permet de recouvrer sa dignité.


 Bahia claironne également sur tous les toits ses origines algériennes imitant en cela sa mère, passionaria post-soixante-huitarde de la cause des sans-papiers alors que son père adopte une posture soumise et mutique. Elle aide en cela Arthur Martin a digérer sa propre histoire familiale caractérisée par le non-dit voire le déni. Adepte de la stratégie camouflage, ses parents n'ont pas trouvé mieux que de le doter d'un nom porté par plus de 15 mille personnes en France. Mais le jour où sa mère se rend à la mairie pour faire refaire ses papiers d'identité, on lui renvoie à la figure son passé de petite fille juive grecque, traquée et cachée pendant la guerre pendant que ses parents étaient envoyés à Auschwitz.
 
 
 


samedi 27 avril 2013

Cherchez Hortense (2012)
 
Pascal Bonitzer
 
 
 
 
 
 
 
Thèmes abordés:
Complexe d'Œdipe, couple/parentalité, déterminisme/libre arbitre, classes sociales, sans-papiers, haute administration, dépression, lâcheté/courage.
 
Résumé
 

Damien Hauer (Jean-Pierre Bacri) est professeur de civilisation chinoise. Sur l’insistance de sa femme Iva, metteur en scène de théâtre (Kristin Scott Thomas), il a accepté de rendre un service : parler à son père, président du conseil d’État (Claude Rich, hallucinant), du cas d’une certaine Zorica, menacée d’expulsion par la justice, et tenter de le convaincre d’intercéder en sa faveur auprès d’un homme de pouvoir qui travaille dans l’ombre et répond au nom d’Henri Hortense (d'où le titre du film).

 
Seulement, comme l’avoue Damien à sa bande de copains de bistrot, il n’a “de rapports simples avec personne”, et surtout pas avec son père, homme inaccessible, narcissique, séducteur et fier de l’être. Les choses vont donc mal se dérouler.





Le père de Damien l’évite par tous les moyens, toutes les portes du conseil
d’État s’avérant de merveilleux passages dérobés pour fuir les problèmes humains. Par manque de courage et pour plaire à sa femme, Damien va pourtant laisser croire que tout est en bonne voie. Mais il y a complication quand il se rend compte qu'Aurore, la jolie employée du restaurant qu’il fréquente quotidiennement (Isabelle Carré) a un rapport avec l’affaire.

Analyse
Damien est un personnage dépressif qui semble avoir baissé les bras. Tout indique qu'il traîne sa vie comme un boulet. Une vie qu'il n'a pas vraiment choisie et qui derrière le paravent bourgeois s'avère faite de solitude et d'incommunicabilité que se soit avec sa femme, avec son fils ou encore avec son père. 
Heureusement, il a en Damien un minuscule jardin secret qu'il ne révèle qu'à la fin et qui va le réconcilier avec la vie. Ce jardin secret est lié à son métier. Certes, il enseigne la civilisation chinoise aux entrepreneurs ce qui offre une façade compatible avec son statut social et le fait périr d'ennui.

 


Mais le lien qui existe entre la Chine et lui est bien plus profond, c'est la promesse d'un ailleurs, d'un autre horizon, d'un autre possible qui lui a été révélé lors d'un voyage quand il était très jeune.
Néanmoins cet autre possible reste à l'état latent pendant des dizaines d'années jusqu'à ce que Damien fasse une rencontre décisive, celle d'Aurore (dont le prénom, traduction du serbe Zorica, sonne comme une promesse de renouveau). Aurore est serbe mais symboliquement pour Damien, elle représente la Chine. Devant elle, Damien tombe le masque, devient vulnérable et fragile et partage ses sentiments les plus intimes (Jean-Pierre Bacri est absolument admirable).


Mais dans cet univers bourgeois conformiste et mortifère, Aurore n'a pas sa place. Elle est menacée d'expulsion car elle n'a pas de titre de séjour. Toutes les démarches de Damien pour la faire régulariser tournent court face à des hommes de pouvoir impitoyables qui symbolisent le père castrateur. Alors Damien n'a pas le choix: pour construire enfin son bonheur, il doit "tuer" le père, briser son couple en mettant à jour l'infidélité de sa femme et enfin s'engager auprès d'Aurore. La scène où Damien est arrêté parce qu'il refuse de montrer ses papiers montre bien ce basculement.
Le jaillissement des désirs refoulés irrigue la fin du film lorsque Damien et Aurore prennent un nouveau départ sous les yeux d'un vieux chinois, absolu contrepoint du père vaincu.